La Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA), après son retrait des mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger, son échec d’imposer au gouvernement une « réunion d’urgence » en un « lieu neutre », se radicalise. Elle s’est également retirée de la commission chargée de finaliser le projet de nouvelle constitution. Tout cela intervient à un moment où ses militants siègent aussi bien dans le gouvernement qu’au Conseil National de Transition. A quoi joue alors la CMA ?
Entre le gouvernement de transition et les ex-rebelles, la tension monte d’un cran. En effet, depuis des mois, la CMA ne cesse de se plaindre concernant la question de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger. D’ailleurs, elle multiplie les actions pour imposer ses décisions au gouvernement de la transition qui, à son tour, ne semble pas prêt à courber l’échine.
Les actions de la CMA
En effet, le Cadre stratégique pour la paix, la sécurité et le développement (CSP-PSD) dont la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) est membre a suspendu, en décembre 2022, sa participation au mécanisme de suivi de l’Accord de paix inter malien, jusqu’à la tenue d’une réunion avec la médiation internationale dans un terrain neutre. « L’ensemble des Mouvements membres du CSP-PSD ont décidé à l’unanimité de la suspension de leur participation au sein des mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord jusqu’à la tenue d’une réunion avec la Médiation Internationale en terrain neutre, afin de statuer sur l’avenir de cet accord », précise le CSP-PSD dans son communiqué en décembre dernier.
A la suite de cette suspension, elle avait saisi l’Algérie et les médiateurs internationaux pour l’organisation de la « réunion d’urgence » en un « lieu neutre ». Elle a justifié sa demande par « le besoin d’un examen décisif de la viabilité de l’accord signé en 2015». Elle dénonçait « la déliquescence avérée de l’Accord de Paix que les raisons soient événementielles ou subtilement planifiées et s’inquiète à juste titre des conséquences forcément néfastes sur tout le processus. »
Le gouvernement de transition, en refusant la tenue de ladite « réunion d’urgence » en un « lieu neutre », n’a pas voulu courber l’échine, malgré l’implication de l’Algérie à travers son diplomate en chef. Selon des informations, le gouvernement de transition n’est pas disposé d’accepter une réunion en dehors du Mali. Un refus que les ex-rebelles n’arrivent toujours pas à digérer.
En réponse à ce refus du gouvernement, la CMA s’est davantage radicalisée. Elle s’est même retirée de la commission chargée de finaliser le projet de la nouvelle constitution malienne. Dans son communiqué en date du 28 janvier dernier, elle a précisé qu’elle ne prendra pas part à la commission chargée de la finalisation du projet de Constitution. Les raisons avancées : la non-tenue de la « réunion d’urgence » qu’elle a demandée. « Suite à la réunion de son Bureau Exécutif tenue du 07 au 09 Décembre 2022, la CMA a adressé au chef de file de la Médiation une correspondance dans laquelle elle demande une rencontre bilatérale en terrain neutre suivie du communiqué du CSP-PSD du 21 décembre 2022 consacrant la suspension par les mouvements signataires des mécanismes de suivi et de mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation. Elle informe par conséquent l’opinion nationale et internationale ainsi que la Médiation internationale qu’elle ne prendra pas part à la Commission chargée de la finalisation du projet de Constitution », a-t-on précisé dans le communiqué.
Comme si cela ne suffisait pas, la CMA s’est désolidarisée des propos du ministre Abdoulaye Diop à la tribune des Nations Unies. Propos qu’elle a qualifié « d’unilatérales » avant de réitérer « avec insistance sa demande de réunion en un lieu neutre avec la médiation internationale pour discuter de la viabilité de l’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger ».
Face au silence du gouvernement, la CMA annonce de nouvelles menaces. Une fusion de beaucoup de ses mouvements est annoncée le 8 février prochain. « Retenir cette date : 8 février 2023. Les mouvements armés de la CMA (indépendantistes, autonomistes etc.) iront en principe vers la fusion…Les digues continuent à sauter dans le nord du Mali. L’accord de paix d’Alger risque de devenir de plus en plus caduc », a écrit notre confrère Serge Daniel sur son compte twitter.
Jusqu’où veut donc aller la CMA ?
La CMA multiplie ses intimidations contre le gouvernement du Mali à un moment où l’Accord est très impopulaire. Nombreux sont des Maliens qui ont réclamé à cors et à cris – et continuent toujours de le faire – la relecture, voire même la dénonciation de ce document. Ce risque de divorce gouvernement-CMA intervient au moment où la question de Kidal préoccupe les Maliens. « Il faut que le gouvernement du Mali nous dise la vérité sur la situation de Kidal. Si la CMA est avec nous, qu’on laisse notre armée occuper tout Kidal. Si c’est l’Accord qui bloque cela, il faut le réviser », propose un enseignant, Boubacar Togo.
La CMA, à travers ses menaces, souhaite-t-elle imposer sa volonté au gouvernement de transition pour exiger la mise en œuvre rapide de l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger ? Souhaite-t-elle commencer les hostilités avec le gouvernement ? Quel est le projet de ce mouvement qui se radicalise au moment où des efforts louables sont en cours dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord ? Un affrontement pourrait-il être évité ? Ce sont là des questions qui taraudent les esprits. Pour le moment, le divorce semble consommé entre le gouvernement et la CMA.
Boureima Guindo
source : Le Devoir