À l’ère du numérique, la désinformation et les discours de haine prennent une ampleur inquiétante, au point d’être perçus comme une véritable menace pour la cohésion sociale. Cette problématique, devenue centrale dans le débat public, affecte tout particulièrement la jeunesse, qui se retrouve tour à tour actrice, relais et victime de ces dérives.
Dans le passé, les gens se préoccupaient de tabac, des produits narcotiques…. Mais aujourd’hui la donne semble changer . Les gens se soucient d’une nouvelle accoutumance. Il s’agit bien des médias numériques. Sur Facebook, WhatsApp, Instagram, TikTok… les contenus de désinformation et les discours haineux se déclinent sous forme de textes, images, vidéos ou audio. Fausses alertes sécuritaires, rumeurs de décès de célébrités, vidéos manipulées : la liste des exemples est longue . L’émergence de l’intelligence artificielle rend la production de « deepfakes » et autres faux contenus encore plus simple, rapide et inquiétante.
Bien que les discours de haine et la désinformation ne soient pas des phénomènes nouveaux, leur diffusion a été largement amplifiée par l’avènement des réseaux sociaux. La preuve? Les entretient réalisés sur le thème. La désinformation, elle, renvoie au mécanisme qui est essentiellement mis en place de la façon dont les fausses nouvelles sont véhiculées pour raisons diverses : obtenir beaucoup de ‘’ likes’’ ou pour justement pour nuire à quelqu’un. Cependant, le discours de haine, lui, il renvoie aujourd’hui à un certain discours beaucoup plus identitaire qui est basé sur des stéréotypes, des préjugés qui visent essentiellement à cultiver la haine à l’égard de certains individus, certaines ethnies, et certaines communautés.
Les jeunes, proies faciles et relais inconscients
Comme l’explique Mahamadou Talata Maïga, journaliste et psychologue de formation : « Les réseaux sociaux, par leur accessibilité et leur instantanéité, ont bouleversé la dynamique de l’information. Aujourd’hui, en un clic, une fausse information ou un message haineux peut atteindre des milliers de personnes. Et les jeunes, grands consommateurs de ces plateformes, sont les plus exposés. »
Selon le sociologue Youssouf KAREMBE, enseignant à l’Institut de la Jeunesse, l’un des principaux facteurs de vulnérabilité des jeunes est le manque d’éducation aux médias et à l’information : « Beaucoup d’internautes ne maîtrisent pas les outils de vérification, car ils n’ont pas été formés à cela. D’ailleurs c’est ce qui les amène à relayer sans discernement des contenus biaisés ou mensongers ». Les jeunes s’informent principalement via des plateformes où la viralité prime sur la véracité, ce qui les expose davantage à la manipulation de l’information.
Pour ce qui est des discours de haine, notre interlocuteur estime que les valeurs transmises dans la famille, les croyances en sont entre autres les causes.
Ali TIMBINE, doctorant en science linguistique, complète l’analyse du sociologue KAREMBE, tout en rappelant que : « Les jeunes les jeunes sont beaucoup plus exposés aux conséquences désastreuses que les adultes, car ils sont dans une période de transition entre l’enfance et l’âge adulte, donc une période de doute et de fragilité. D’ailleurs, c’est ce qui explique leur vulnérabilité face à ce nouveau défi. »
Kadidia GUINDO, 23 ans, étudiante au département Anglais, à l’université Yambo Ouologuem relate son vécu : « J’ai été victime de fake news, car l’information a eu un impact sur mon mental. Elle m’a profondément choqué. Il s’agissait d’une fausse nouvelle qui concernait le soi-disant décès d’un proche. Comme j’avais reçu cette information via les présociaux sociaux, et qu’elle venait d’un proche, je l’ai crue sans prendre la peine de la vérifier » . Cependant, pour Abdoulaye DOLO, 25 ans, enseignant du secondaire, les réseaux sociaux est une place de divertissement. « J’utilise les réseaux quand je m’ennuie. Et je ne croirai jamais à une information ramassée sur un réseau social. Parce qu’on a été plusieurs fois victime de la désinformation. Ils créent de faux compte et passent leurs temps à relayer des fake news en ‘’tuant avec leur bouche’’ les célébrités, les leaders ainsi que les leaders politiques’’ », conclut l’enseignant.
Les responsabilités des médias
Face aux phénomènes de la désinformation et le discours de haine les médias professionnels ont une responsabilité bien lourde. Pour Malick Diancoumba, journaliste et fact-checker : « Dans un monde ‘’l’infobésité’’ ou la surconsommation d’informations, la vérification des faits est plus que jamais essentielle. Avant de partager une information, il faut se poser les bonnes questions : d’où vient-elle ? Est-ce un site ou un compte fiable ? »
Pour ce faire, il recommande des techniques simples de vérifications des sources : le recoupement avec d’autres fiables, l’utiliser des outils comme Google image et InVID pour vérifier des vidéos ou images truquées.
Abondant dans le même sens, Mahamadou Talata MAIGA, administrateur délégué de la Maison de Presse, souligne qu’il revient aux médias dont les missions fondamentales sont la vérification des faits et l’exactitude dans le traitement de détecter des fake news et d’en informer les populations.
S’agissant de la lutte contre la désinformation et le discours de haine, nos interlocuteurs ont évoqué à l’unanimité de la formation aux médias : renforcer l’éducation des jeunes, les outiller, afin qu’ils parviennent à, eux-mêmes, identifier et dénoncer la désinformation. Les médias classiques, mais aussi les réseaux sociaux eux-mêmes, doivent être mis à contribution pour diffuser ces compétences.
En définitive, la lutte contre la désinformation et les discours de haine nécessite une approche globale. Les jeunes, les médias, les éducateurs, les parents et les institutions ont chacun un rôle à jouer. Mais pour que les jeunes deviennent des acteurs éclairés du numérique, ils doivent d’abord être formés, sensibilisés, responsabilisés. Selon M. TIMBINE « pour relever les défis liés aux réseaux sociaux, il faut, d’abord la formation et de la sensibilisation et la répression vient en dernier recours. Le discours de haine se combat d’abord par un contre-discours de haine, il faut donner aux jeunes les moyens de déconstruire par eux-mêmes ces discours », soutient-il. M. Youssouf KAREMBE abonde dans le même sens : « Le discours de haine se combat d’abord par un contre-discours. Il faut permettre à la jeunesse de reconnaître les pièges de la manipulation pour mieux s’en prémunir », explique Dr KAREMBE.
Garibou Togo