L’intervention d’Aminata Cheick Dicko à la réunion du Conseil de sécurité de l’ONU continue de susciter des débats aux niveaux national et international. Au Mali, elle oppose les soutiens à la transition à des défenseurs des Droits de l’homme, disons de la liberté d’expression. Les premiers trouvent inadmissibles de « livrer l’armée de son pays » à la tribune des Nations unies. Ils soutiennent qu’aucun représentant, même ressortissant des grandes démocraties, ne le ferait. Cette intervention suscite même de la tension au sein du soutien à la transition, des faucons voulant que l’auteure, Aminata Cheick Dicko, soit sanctionnée à la hauteur de la faute commise. Ladite intervention, source de polémique, a poussé des organisations de la Société civile à sortir de leur silence.
D’un autre côté, il y a ceux qui soutiennent la liberté d’expression. Ils trouvent qu’Aminata a fait, tout naturellement, ce que doit faire un acteur de la société dont le rôle n’est pas de soutenir à tout prix la position du gouvernement.
A notre humble avis, la responsabilité doit être partagée dans cette affaire.
Celle d’Aminata Dicko, c’est le fait de livrer, sans preuve, l’armée de son pays au monde entier, tout en ignorant la guerre médiatique entre le Mali et de puissants partenaires dont les relations, qui tombent de charybde en scylla, frôlent le divorce. Son autre tort, c’est de ne s’appuyer que sur les rapports des Nations Unies accusant l’armée malienne d’exaction, tout en ignorant volontairement que la plupart de ces rapports ont été contestés par les autorités maliennes. En adoptant la position malienne, elle aurait été plus objective et n’aurait donc pas été qualifiée « d’agent manipulé » de la Minusma.
Quant à l’Organisation des Nations Unies, agissant au Mali à travers la Minusma, si elle était sincère et sa démarche ne cachant aucune volonté de manipulation de l’opinion nationale et internationale pour des agendas cachés, elle ne devait pas faire intervenir un acteur de la Société civile, sans même en informer les autorités maliennes.
Au Mali, il y a un Conseil national des organisations de la société civile. Le Conseil de sécurité des Nations unies aurait dû passer par cette organisation, s’il est vrai qu’il ne voulait pas prêter «sa vérité » à l’intervenante.
Au Mali, la Société civile joue-t-elle réellement son rôle ? En serait-on arrivé là si le Conseil national de la société civile jouait bien ce travail de porte-parole des populations civiles ? Ce sont, entre autres, des questions que l’on doit se poser. Le tort de cette Société civile, c’est souvent son absence. La faitière de la Société civile devrait se faire entendre beaucoup plus, à chaque fois que de besoin, comme lors de cas de violation des droits des civils avérés. Il ne faudrait pas attendre qu’un autre acteur de la Société civile fasse une intervention, qu’elle plaise ou déplaise, pour chaque fois répondre. Il est donc clair que ce qui est demandé à la Société civile, c’est l’action, disons même la pro action, en lieu et place de la réaction.
Les autorités de transition, à travers le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, ont bien fait de s’opposer aux propos de la « représentante de la Société civile » puisque n’étant pas informées. Mais elles doivent, pour leur crédibilité, leur bonne foi pour une justice indépendante, redresser rapidement des erreurs de déclarations et postures de certains de leurs soutiens. En effet, ceux qui ont manifesté devant le QG de la Minusma, pour demander qu’Aminata Cheick Dicko soit mise à la disposition de la justice, ne rendent pas service aux autorités de transition. Ils donnent plutôt raison à ceux qui soutiennent la thèse d’atteinte à la liberté d’expression.
Les autorités de transition ont, depuis leur arrivée, promis l’impunité. Et si un citoyen commet une faute, on doit laisser la justice faire son travail. Aucun autre citoyen, se réclame-t-il le plus gros soutien de la transition, n’a le droit de faire ce travail, s’il veut rendre service à la transition.
Boureima Guindo