Manifestations concurrentes au Togo : opposition et activistes se disputent la rue

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À l’approche des manifestations annoncées pour la fin juin, les rangs de l’opposition togolaise et des activistes apparaissent plus divisés que jamais. Entre appels concurrentiels, désaveux publics et rivalités souterraines, les initiatives censées incarner une riposte citoyenne à la réforme constitutionnelle se heurtent à un constat amer : l’absence d’un front commun crédible face au pouvoir de Faure Gnassingbé.

Depuis l’échec de la mobilisation du 6 juin dernier, portée par des activistes de la diaspora via les réseaux sociaux, de nouveaux appels à manifester ont fleuri. Les uns, principalement issus des milieux activistes, appellent à des journées d’action à Lomé les 26, 27 et 28 juin. Les autres, plus institutionnels, sont lancés par l’Alliance nationale pour le changement (ANC) et les Forces démocratiques pour la République (FDR), rejoints par quelques organisations de la société civile, pour une désobéissance civile débutant le 23 juin.

Mais au lieu d’unir les forces dans un même élan, ces calendriers parallèles trahissent une opposition désarticulée. Aucune coordination, aucune plateforme commune. Et surtout, aucun soutien officiel des partis traditionnels aux appels viraux des activistes, souvent perçus comme brouillons, mal préparés ou imprudents.

Ce qui devait constituer une démonstration unifiée de force populaire se mue progressivement en un spectacle de rivalités, de désaveux publics et de sabotages mutuels, avec en arrière-plan : une opposition éclatée, des activistes en ordre dispersé, et une opinion publique de plus en plus sceptique.

Le reflet d’un malaise…

Portées par des activistes, principalement depuis la diaspora et à travers les réseaux sociaux, les nouvelles incitations à manifester contre le régime en place peinent à fédérer. Au lieu d’unir les forces de l’opposition, ces appels mettent en lumière des fractures profondes. L’organisation de manifestations à des dates différentes donne une impression de cacophonie, traduisant un déficit de coordination stratégique au sein du camp contestataire.

Face à cette dynamique éclatée, les partis de l’opposition institutionnelle prennent leurs distances. Aucune déclaration officielle ne soutient les actions non déclarées des activistes, souvent jugées « mal préparées » ou « politiquement risquées ». En coulisses comme publiquement, certains dirigeants préfèrent miser sur des approches graduelles et réfléchies plutôt que sur des opérations ponctuelles, mais sans lendemain.

« Quand on commence à saboter une manifestation simplement parce qu’elle ne vient pas de son propre camp, on n’est plus dans la lutte, mais dans la posture », a dénoncé Gerry Taama, ancien député et ancien président du NET, résumant le malaise ambiant.

L’opposition piégée par ses contradictions

Cette cacophonie entame sérieusement la crédibilité de l’opposition togolaise. Face à cette dissonance permanente, le peuple observe, souvent avec indifférence, parfois avec lassitude. Sans unité d’action, sans message clair ni relais structurés, les appels à manifester échouent avant même d’avoir trouvé un écho.

Au fond, cette situation met en lumière un malaise plus profond : une opposition incapable de définir un cap commun ni de faire émerger un leadership fédérateur, au-delà des ambitions personnelles et des clivages de chapelle. On peut raisonnablement parler d’un moment de déclin stratégique pour les forces de changement.

Dans ce contexte de dispersion et d’amateurisme, l’échec des mobilisations annoncées semble presque inévitable. Le manque de coordination, le désengagement des partis politiques majeurs et l’improvisation de certaines initiatives donnent l’image d’un front désorganisé, à bout de souffle.

De plus, la réponse timide, voire absente, des populations à ces multiples appels démontre une rupture de confiance : le peuple envoie un message clair de désapprobation face à des mobilisations qu’il perçoit comme brouillonnes ou instrumentalisées.

Tant que l’opposition restera divisée, la rue ne sera qu’un théâtre d’agitation sans lendemain. Plus qu’un calendrier de manifestations, l’urgence est désormais à la reconstruction d’une crédibilité politique partagée et d’une stratégie cohérente.

La rédaction

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