Tombouctou est, depuis quelques années, la capitale de l’immigration clandestine et trafic humain. En effet, la ville de 333 saints devient le nouveau carrefour pour les candidats à la mort. Malgré les dures conditions liées à ce phénomène, qui devient de plus en plus répandue dans la région, les prétendants à la recherche de l’eldorado rejoignent au jour le jour, la ville mystérieuse. Enquête !
La ville de Tombouctou enregistre chaque jour des dizaines de candidats pour le départ en Europe en provenance des pays de la sous-région. La ville de 333 saints est depuis quelques années le réceptacle d’un flux humain en provenance de l’Afrique sub-saharienne. Ces migrants viennent particulièrement du Ghana, de la Guinée, de la Côte d’Ivoire, du Sénégal, de la Gambie et du Burkina Faso, y compris des Maliens, et tentent la traversée du désert.
Mais en attendant leur déportation vers l’Europe, ces jeunes hommes et femmes qui fuient la misère dans leurs pays respectifs, doivent d’abord subir une certaine maltraitance auprès des personnes qui les accueillent. Ils sont dépouillés de leurs biens financiers et matériels avant d’espérer emprunter le chemin du long et périlleux voyage vers la mythique hexagone. Dès leur arrivée à Tombouctou, ces prétendants de la traversée vers l’Europe sont accueillis dans des cellules humaines, appelées « foyers ». Ils sont logés dans ces cellules dites « foyers », tout en espérant un jour réussir de rejoindre l’impossible (l’Europe).
Selon Mohamed Ali, un habitant de Bariz, quartier qui abrite les migrants, ce trafic humain est géré par un vaste réseau qui part de Bamako, la capitale du Mali en passant Mopti pour arriver à Tombouctou, le principal carrefour de transit. Après c’est pour faire la jonction avec à Albourche (frontière Algérie) dans l’espoir d’arriver à destination. En effet, les rues de la cité des 333 saints sont garnis de migrants dans l’espoir de rejoindre l’Europe.
Nonobstant les nombreuses campagnes de sensibilisation sur l’immigration clandestine pour dissuader la jeunesse ouest-africaine à emprunter ce chemin périlleux, le phénomène migratoire est, et demeure toujours l’un des refuges les plus prisés pour cette dernière afin de contrecarrer la pauvreté et la misère. Les difficultés sont nombreuses mais les jeunes sont persuadés que la traversée du désert est l’unique solution pour réussir dans la vie. Un trajet plein d’embûches mais qui ne décourage nullement ces jeunes hommes et femmes qui n’ont qu’un seul rêve, franchir le seuil de l’hexagone.
Une traversée périlleuse car, ils sont nombreux, ceux qui sont abandonnés dans le désert, par les passeurs, soit en mer, pour ceux qui empruntent le chemin de la Méditerranée, selon les organisations humanitaires en charge de recenser ces migrants dont l’Organisation Mondiale de l’Immigration (l’OIM).
Précédemment, c’était uniquement la Méditerranée, mais depuis plusieurs années, beaucoup préfèrent la traversée du désert. Cela, depuis que la route de la Libye devient assez périlleuse pour eux.
Ce phénomène migratoire est devenu un filon très rentable pour passeurs et promoteurs de cellules humaines appelées aussi « foyers ». Ceci dit, le trafic humain est les principales activités de ces derniers. Pas qu’eux seuls, les transports sont aussi sans pitiés. Ils profitent de leur état de faiblesse pour les arnaquer sur l’axe Sévaré-Tombouctou, soutient Moussa Diarra, un habitant de Sevaré que nous avons rencontré à la gare Tombouctou place de la ville. Pour les transporter dans des états inconfortables, ajoute-t-il, les transporteurs leurs soutirent beaucoup d’argent. Quand même cinq (5) fois plus que le transport normal. Selon ses témoignages, les migrants sont obligés aussi de payer de l’argent à chaque poste de contrôle : une somme qui varie entre 2000 à 3000 francs CFA par voyageur, selon l’humeur de l’agent de sécurité.
Tombouctou, Centre culturel et religieux
Ce phénomène migratoire donne une mauvaise image pour la ville mystérieuse ; soutien un habitant de Tombouctou. A son entendement, la cité de 333 saints est plus exposée à des pratiques peu orthodoxes, car, les prétendants de la traversée du désert sont prêts à tout pour atteindre l’ultime objectif : arrivée à destination. En effet, les candidats qui arrivent tous les jours dans la ville légendaire sont éparpillés dans divers foyers d’accueil pour un séjour d’au moins une semaine avant de poursuivre leur long voyage périlleux et sans retour pour certains. Au cours de leur escale qui coûte une fortune par nuitée, nombre de résidents profitent de leur misère pour se procurer de leurs objets de valeur ou assouvir quelques désirs éphémères à des prix défiant toute concurrence. Téléphones, montres et chaussures, entre autres, sont liquidés, tandis que les jeunes filles et femmes s’adonnent le plus souvent à la débauche corporelle pour se doter la bourse nécessaire leur permettant d’affranchir le seuil de l’Europe, le rêve de chacun d’eux.
Selon un imam à Tombouctou, ces pratiques peu orthodoxes et malsaines transforment la ville culturelle et religieuse, Tombouctou, en une cité obscène. Ce sont ces accointances malsaines que les migrants survivent pendant leur escale à Tombouctou avant d’être entassés comme des bêtes de somme dans les pick-up à destination de Inafara, une localité distante d’une centaine de kilomètres, relate Mohamed Aguissa, habitant .
A posteriori, ces jeunes hommes et femmes entament un autre trajet parsemé d’atrocités de tout genre, notamment la faim, la soif, l’ensoleillement et même l’insolation parmi tant d’autres intempéries mortelles. A cela s’ajoutent l’insécurité que vivent ces jeunes gens qui laissé familles, amis, connaissances pour aller à la recherche d’une meilleure vie en Europe. Un véritable parcours de combattant de migrants en partance pour l’Europe qui ne garantit pas une meilleure destination pour ces jeunes hommes et femmes. Ils sont pour la plupart abandonnés par les passeurs en plein désert et beaucoup y perdent la vie. Les rares rescapés sont recueillis par certaines organisations humanitaires basée dans la ville de Tombouctou, notamment l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) ou encore le Conseil danois des réfugiés (DRC).
Il faut préciser que des dizaines de jeunes de la sous-région meurent, selon l’OIM et le DRC, chaque année dans leur tentative de la traversée du désert entre Tombouctou et l’Algerie.
Ibrahim Kalifa